CHAPITRE XIV
AGRICULTURE
Le Sol de Neuilly n'est pas des plus fertiles. Je trouve là-dessus des notes spéciales qui paraissent avoir été écrites vers 1810, et où notre commune n'est pas ménagée ; je n'ai pas pu savoir qui les avait écrites ; elles m'ont été communiquées par M Cl. Fr. Magnien, fils. Le territoire de Neuilly, dit cet écrit, est froid, et son sol, peu fertile, car presque toutes les récoltes ne sont bonnes à faire, et ne commencent à être faites que lorsque celles des territoires environnants sont presque entièrement rentrées. Et il est reconnu que si les récoltes sont quelque fois abondantes, cela ne provient pas de la fertilité du sol, mais bien plutôt de la bonne culture des terres et de la grande quantité d'engrais qu'on y met. Il arrive encore très souvent que tel champ qui a été bien cultivé et fumé, produit une récolte presque nulle, car le grain reste quelque fois bien longtemps avant la floraison, et ne rend que du blé d'une très mauvaise qualité. Bien souvent on voit des champs magnifiquement enclavés et donnant les plus belles espérances, et qui, au temps des récoltes, ne valent pas les frais de la moisson. Cela provient de ce que le grain n'est venu que par la force de l'engrais, et il est démontré en agriculture que ce grain n'acquiert pas assez de force et verse à la première intempérie de la saison. En Général, le blé que l'on récolte sur le territoire de Neuilly est d'une qualité inférieur aux blés de Lavernoy et de Longeau : tous les boulangers et toutes les personnes qui ont été dans le cas de faire usage de ces différents grains, pourraient au besoin affirmé la vérité de cette observation.
----Une autre remarque vient encore à l'appui de ce qui vient d'être dit : c'est que les fruits, en général, sont de mauvaise qualité. Par exemple, il n'est guère possible de manger des cerises et des raisins ; le vin n'est pas buvable. Que l'on transplante sur le territoire de Neuilly des plantes de bonne qualité soit d'abricotiers, de pommiers ou de poiriers, des ceps de vigne ou autres arbres fruitiers extraits des pépinières de Varennes ou d'autres communes, ils dégénèrent rapidement, et les fruits qu'ils produisent ne sont plus reconnaissables après quelques années. Que l'on emploie aussi, pour semis, des blés de Celles ou de Lavernoy, ils perdent dans l'espace d'un an ou deux leurs qualités premières. Voilà pour les terres labourables, voyons maintenant pour les prés.
----D'abord on peut se faire cette question : Pourquoi existe-t-il une si grande quantité de prés sur le territoire de Neuilly, en égard à son étendue ? C'est précisément parce que le sol du territoire est mauvais et marécageux, car il est évident que les prairies sont hors de proportion avec les autres propriétés, et que s'il en existe une aussi grande quantité, c'est qu'il n'a pas été possible d'en mettre quelque partie en culture avantageusement, et que les dépenses auraient excédé bien au delà le produit de ces terres ; c'est pourquoi on les a abandonnées pour en faire des prairies...
----Le manuscrit que j'ai cité manque malheureusement à cet endroit ; je le regrette, car il m'aurait certainement servi dans cette circonstance. On voit que c'est un homme entendu et qui connaissait bien Neuilly.
----L'agriculture est encore bien arriérée ; on ne se ferait jamais d'idée de la ténacité avec laquelle les cultivateurs suivent la routine de leurs pères. Toute innovation, toute amélioration est repoussée avec ces mots : nous voyons bien, mais ce n'est pas la coutume. Il est vrai que cette coutume qu'ils invoquent dure depuis deux mille, car nous lisons plusieurs fois dans Jules César que les Lingons, nos ancêtres cultivaient en grand le blé. Quatre siècles et demi après, en 398, par les soins de Stilicon, ministre de l'empereur Honorius, le sol des environs de Langres verra de son abondance sur Rome, et Rome fut sauvée d'une famine imminente.
----On se sert de la vieille charrue à avant train montée sur deux roues de bois et armée d'un coutre placé en avant du sac. On donne ordinairement trois labours, quelquefois quatre, pour les terres destinées au froment, au seigle, aux navettes d'hiver et au chanvre ; on se contente de deux pour l'orge, et d'un seul pour l'avoine. On passe ensuite la Herses. L'époque des semailles, comme celle des récoltes, varie assez, en général les premières sont préférables de bonne heure à celles qui sont tardives. Entre la semaille et la récolte, les champs ne demandent qu'un cerclage, lorsque les épis sont prêts à paraître.
----D'après l'antique coutume dont je parlais tout à l'heure, le cultivateur divise les terres labourables en trois soles ou saisons, dites les semailles de Lavaux, de Vauboulon et de Vautécon ; et cette division existe depuis plus de trois cents ans à ma connaissance. L'une des trois semailles reçoit le froment, le seigle, la navette d'hivers ; la seconde, l'orge, l'avoine, les pois, les vesces, des lentilles, du sarrasin, de la navette d'été, des navets, du chanvre ou des pommes de terre ; la troisième enfin reste en jachère.
----Le P. Magnien a fait un tableau du prix du blé à Langres depuis 1545 jusqu'en 18... ; je n'ai point ce tableau, mais voici la moyenne décennale du prix du blé en France depuis 1797.
1797-1807 ....................l'hectolitre----20,20
1807-1817 ......................................-----21,84
1817-1827 ......................................-----19,69
1827-1837 ......................................-----
1837-1847 ......................................-----20,05
-----La maturité générale du département est de 15 jours en retard sur Paris, quoique nous soyons d'un degré plus au midi.
-----Le canton de Neuilly n'est pas riche en vignes ; les habitants aisés en ont des quantités plus ou moins grandes dans les cantons voisin, notamment à Arbigny, à Rosoy, à Varennes, à la Ferté sur Amance, à Coiffy, à Celles, etc. C'est aussi de ces localités que se tirent les vins que l'on boit à Neuilly.
-----Les vignes sont presque toutes plantées sur le penchant du coteau, et très rarement en plaine. On les taille dans les premiers jours du printemps ; on fait ordinairement trois labours ou binages avec le focheur, ou fiche ensuite les échalas, et, lorsque la nouvelle pousse a acquis la longueur suffisante, on l'y attache avec des brins d'osiers ou de paille. On ébourgeonne ensuite, et lorsque la fleur est passée, on enlève les petites feuilles à l'extrémité des branches et les vrilles superflues.
----- Les principales espèces de raisins que l'on cultive sont le gamet qui est le plus abondant, et le pineau franc, qui est moins répandu. Le fil d'argent, le pineau gris et le chasselas blanc sont rares. Les râfles du raisin servent à faire de la piquette.
----- Nous ajouterons ici un petit tableau, incomplet, cependant, de quelques faits relatifs à la végétation extraordinaire de nos contrées.
---- 1289. Janvier. Les abricotiers et les pêchers et autres arbres de toute sorte etc. étaient déjà fleuris, ainsi que dans toutes les Vosges.
---- 1304. Janvier. Les abricotiers et les pêchers sont en fleurs.
---- 1400. Avril. La vignes était fleurie on vendange en août, dans les Vosges.
---- 1477. 24 Juin. Il n'y avait, au contraire, encore point de raisin pendants.
---- 1484. 15 novembre. La vendange ne fut ouverte que ce jour là dans les Vosges
---- 1500. On vendange au mois d'août dans les Vosges.
---- 1505. On vendange -----------------le 11 novembre dans les Vosges
---- 1540. Avril. les vignes étaient aussi avancées qu'en 1400
---- 1572. Janvier. La plupart des fruits à noyau étaient déjà fleuris.
---- 1585. Janvier. Même phénomène ; les arbres étaient tout feuillus ; les oiseaux commençaient à faire leurs nids.
---- 1644. 7 Mai . Les vignes, selon Gaultherot, étaient prêtes à cueillir partout, lorsqu'un étrange froid de plusieurs jours brûle les feuilles les raisins et les tiges.
---- 1805. Janvier. Les abricotiers et les pêchers fleurissent dans les Vosges.
---- 1811. Tout le monde se rappelle le vin de la comète.
---- 1816. Dans les Vosges, on vendange le 3 Novembre ; à Neuilly seulement le 8.
---- 1822. 29 mai. On fait du vin de treille à Epinal
---------- 22 juin. On récolte les seigles à Neuilly.
---- 1834. 1er mai. Les vignes dormaient encore, et le 31, elles portaient déjà du verjus.
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---- Un grand obstacle aux progrès de l'agriculture, c'est le prodigieux morcellement des propriétés. A Neuilly, par exemple, d'après les travaux du cadastre, en 1834, il y avait déjà au moins 11 217 parcelles